Catherine ROSSI
Chirurgien Dentiste, Paris France
Je voudrais vous parler aujourd'hui de 2 sujets, à la fois actuels et inquiétants.
Tout d'abord, je voudrais examiner avec vous le lien entre les maladies bucco-dentaires (c'est-à-dire les infections dentaires ou les maladies des gencives) et le risque de complications du COVID19.
Et en second lieu, je voudrais partager avec vous, ce que certains chirurgiens dentistes ont constaté sur l'aggravation de certaines pathologies bucco-dentaires chez les personnes qui portent le bouclier toute la journée.
Je suis le Dr Catherine ROSSI, chirurgienne-dentiste, fondatrice et directrice scientifique du blog naturebiodental.com, un mouvement qui unit les dentistes, médecins et praticiens de la santé ainsi que des patients motivés à mettre la santé bucco-dentaire au cœur de la santé.
Chaque jour, nous en apprenons un peu plus sur cette maladie peu connue. Il existe encore une forte proportion de patients sans facteurs de risque identifiés qui souffrent d'effets secondaires et de complications graves. Bien que le COVID19 soit d'origine virale, on soupçonne que dans ces cas graves, les surinfections bactériennes peuvent contribuer à des complications telles que la pneumonie et le syndrome de détresse respiratoire aiguë.
Des articles commencent à paraître dans la presse scientifique, sur les liens entre la bouche et le COVID 19. Le British Dental Journal, dans le volume 228, présente une étude très bien documentée sur ce sujet.
Quels sont les facteurs de risque d'avoir une forme sévère de COVID19?
Les facteurs de risque de développer des complications de la maladie COVID19, causées par le virus du SRAS COV2, sont l'âge, le sexe et les comorbidités telles que le diabète, l'hypertension, l'obésité et les maladies cardiovasculaires.
Les premiers signes de la maladie apparaissent dès le 3ème jour après l'infection. La fièvre et la fatigue sont les symptômes les plus fréquents, accompagnés d'une toux sèche. 90% des personnes ne présenteront qu'un syndrome léger, la gravité de la maladie dépendant significativement des facteurs de risque:
L'âge moyen observé est de 69 ans, principalement chez les hommes qui représentent 70% des décès.
48% des personnes décédées avaient un état de santé altéré par l'hypertension, le diabète ou une maladie cardiaque. L'obésité a récemment été ajoutée comme facteur de risque. Chez ces personnes, les principales complications se manifestent par la création de caillots sanguins, une pneumonie, une septicémie ou un choc septique et bien sûr un syndrome de détresse respiratoire aiguë.
Que se passe-t-il chez les personnes gravement touchées?
Les patients atteints d'infections sévères ont un nombre de neutrophiles beaucoup plus élevé et un nombre de lymphocytes beaucoup plus faible que les patients souffrant d'infections légères. À mesure que le nombre de lymphocytes diminue, la gravité de la maladie augmente. Dans les cas graves, plus de 80% des patients avaient une charge bactérienne exceptionnellement élevée, secondaire à une surinfection bactérienne et nécessitant des antibiotiques.
Au fil du temps, il est devenu évident qu'il y avait encore une forte proportion de patients infectés, apparemment en bonne santé, et même jeunes, également en bonne santé, sans facteurs de risque identifiés, qui souffraient d'effets secondaires et de complications graves.
Quel est l'état de santé bucco-dentaire des patients atteints de COVID19 sévère?
Les chercheurs se sont demandé si la forte présence de bactéries dans la bouche jouerait un rôle dans les surinfections bactériennes et les complications telles que la pneumonie et le syndrome de détresse respiratoire aiguë, mais aussi dans la septicémie retrouvée dans les cas sévères de COVID19.
Les poumons, comme la cavité buccale, contiennent une flore bactérienne nécessaire à un métabolisme équilibré. Un déséquilibre de cette flore, quelle qu'en soit la cause, peut devenir pathogène. L'infection des voies respiratoires est déclenchée par l'inhalation de microorganismes contenus dans les gouttelettes d'aérosol ou par l'aspiration de sécrétions orales, associée à une maladie bucco-dentaire contenant des microorganismes pathogènes.
Les maladies parodontales et les infections dentaires chroniques du canal radiculaire dévitalisé sont les 2 maladies bucco-dentaires les plus courantes associées à un déséquilibre des bactéries pathologiques dans la bouche.
Qu'est-ce qu'une maladie parodontale?
La maladie parodontale est une maladie de la gencive et des os entourant les racines dentaires. Elle est d'origine bactérienne et le premier signe de la maladie parodontale est le saignement des gencives. Des chercheurs de l'INSERM ont publié en 2018, les résultats démontrant clairement le rôle de la maladie parodontale dans l'aggravation du diabète, la polyarthrite rhumatoïde, l'augmentation des risques de maladies cardiovasculaires, dans le maintien de l'obésité, et l'augmentation des accouchements prématurés. Des bactéries provenant de gencives infectées ont été trouvées dans des tumeurs cancéreuses du pancréas, du sein et de l'estomac et dans le cerveau de personnes décédées des suites d'un accident vasculaire cérébral, de la démence et de la maladie d'Alzheimer.
Selon une enquête de l'UFSBD (Union française de la santé bucco-dentaire), 50% de la population saigne des gencives et seulement 9% pensent que ce n'est pas normal. Ce saignement, qui au début peut être bénin et réversible, en particulier chez les jeunes, ne peut que progresser et s'aggraver s'il n'est pas traité. À tel point qu'aujourd'hui, 50% des Européens de tous âges seraient touchés par une maladie parodontale. On passe même à 70 voire 85% chez les personnes au-delà de 65 ans, dont 10% présentent une phase sévère au stade 4 de la maladie, ce qui les conduira à un édentulisme.
Plus grave encore, l'enquête a montré que 46% des Français ne savaient même pas qu'il y avait une maladie parodontale. C'est-à-dire que l'association «saignement des gencives = maladie parodontale» ne se fait pas chez 1 personne sur 2. De nombreux thérapeutes, voire médecins, n'en seraient pas non plus conscients.
Quels sont les liens entre les maladies parodontales et les pneumopathies?
Des chercheurs japonais ont montré que de nombreuses pneumopathies, notamment chez les personnes âgées, auraient pour origine une maladie parodontale, car les bactéries en quantités importantes présentes dans les gencives infectées sont avalées et inhalées.
Les cytokines, provenant des tissus parodontaux malades, peuvent s'infiltrer dans la salive par le liquide gingival et être aspirées pour provoquer une inflammation ou une infection des poumons. Les cytokines favoriseraient l'adhésion des bactéries aux muqueuses respiratoires.
Par conséquent, une hygiène bucco-dentaire absente ou insuffisante peut augmenter le risque d'échanges interbactériens entre les poumons et la bouche, augmentant le risque d'infections respiratoires et potentiellement de complications bactériennes post-virales.
Des études ont montré que la pneumonie a diminué de manière significative chez les personnes qui ont reçu un traitement parodontal. Une bonne hygiène bucco-dentaire est reconnue comme un moyen de prévenir les infections des voies respiratoires, en particulier chez les personnes de plus de 70 ans.
Une étude systémique a révélé qu'un décès sur 10, lié à une pneumonie chez les personnes âgées, pouvait être évité en améliorant l'hygiène bucco-dentaire.
Et le COVID19 dans tout ça?
Plus la forme de COVID19 est sévère, plus le risque de complications pulmonaires est grand.
De plus, les 4 comorbidités majeures associées à un risque accru de complications et de décès dus au COVID19 (c'est-à-dire le diabète, les maladies cardiovasculaires, l'hypertension et l'obésité) sont également associées à une altération de la flore bactérienne buccale et à la maladie parodontale, d'où le lien suggéré entre mauvaise santé bucco-dentaire et complications du COVID19.
Des bactéries parodontales ont été trouvées dans le métagénome de patients gravement infectés par le SRAS COV2, où des valeurs élevées de prévotelles, de staphylocoques et de fusobactéries ont également été trouvées.
On pourrait donc considérer une mauvaise hygiène bucco-dentaire comme un risque de complications post-virales. Une meilleure santé bucco-dentaire pourrait ainsi contribuer à réduire le risque de complications du COVID19.
Le port du bouclier nuit-il à la santé bucco-dentaire?
Il a été démontré que le port continu du bouclier sur une longue période aggrave les problèmes bucco-dentaires. Chaque jour, les chirurgiens-dentistes observent une augmentation de l'inflammation de la muqueuse buccale, l'apparition de gingivites ou encore l'aggravation de maladies parodontales préexistantes chez les personnes qui portent un masque toute la journée.
Il n'est pas nécessaire d'avoir fait 10 ans d'études pour comprendre que le port du masque diminue l'apport en oxygène, augmente la concentration de CO2 et favorise le développement de certaines bactéries dans la bouche. Les bactéries qui ont besoin d'oxygène meurent, les bactéries qui préfèrent vivre sans oxygène se développent. Ceci explique l'apparition d'une mauvaise haleine, qui est en effet le signe de la multiplication anormale de certaines bactéries.
Le microbiote buccal est donc déstabilisé par le port continu du bouclier.
Sous le bouclier, les gens, en manque d'oxygène, par un réflexe de survie, se mettent à respirer par la bouche. Cela provoque une bouche sèche et un épaississement de la salive dont le PH devient plus acide, ce qui rend le sol favorable à l'apparition de caries dentaires.
Comme je vous l'ai déjà dit, ce déséquilibre de la flore buccale et le développement de maladies parodontales sont officiellement reconnus dans l'aggravation des problèmes cardiovasculaires, l'aggravation du diabète, l'hypertension artérielle, que l'on retrouve dans les comorbidités favorisant les cas graves de COVID 19.
Ce qu'il faut également savoir, c'est que le manque d'oxygène stimulera le système sympathique, ce qui peut provoquer ou aggraver le resserrement des dents. En plus de la période de stress que nous traversons, le nombre de patients se plaignant de bruxisme, de serrements de dents et de douleurs dans les articulations de la mâchoire augmente. Le nombre de fissures et fractures dentaires a considérablement augmenté, nécessitant des traitements ou extractions de canal radiculaire, suivis de la pose d'implants et de couronnes.
La qualité du bouclier est-elle fiable?
De plus, on s'est rendu compte que certains lots de boucliers fabriqués en Chine doivent contenir des substances toxiques car leur port prolongé provoque des maux de tête, des vertiges, des nausées, une perte de conscience, irrite les voies respiratoires et provoque des allergies cutanées.
En tant que chirurgien-dentiste qui travaille avec un bouclier depuis de nombreuses années, je souhaite partager avec vous mon expérience et celle de mon équipe. Depuis le mois de mai, suite au déconfinement, nous n'avons pas pu être réapprovisionné avec les marques de bouclier que nous utilisions. Certains des boucliers actuellement fournis s'avèrent insupportables, ils dégagent une odeur si forte qu'on est obligé de les laver et surtout de les rincer abondamment avant de les utiliser. De plus, nous avons souffert de maux de tête, de rhinites, de quintes de toux, de rougeurs autour des lèvres, sans oublier des coupures derrière les oreilles dues à des élastiques trop courts.
En résumé :
Il existe des liens scientifiquement prouvés entre les maladies parodontales, les infections dentaires et les maladies qui sont de grands facteurs de risque d'aggravation du COVID19.
La maladie parodontale et les infections dentaires devraient rejoindre le peloton des comorbidités à risques favorisant les formes graves du COVID19
Des recherches supplémentaires sur ce sujet sont nécessaires de toute urgence pour établir l'importance de l'hygiène bucco-dentaire et du traitement des maladies infectieuses bucco-dentaires préexistantes, dans la réduction du risque de complications et de mortalité par COVID19.
Passez une bonne journée et prenez soin de vos dents!
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